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Libération

Le trauma

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publié le 17 septembre 2002 à 1h01

Au réveil, ce fut brutal. Deux explosions, cinq morts. Ce dut être de la faute des deux frères Jules et Gédéon et de leurs images terrifiantes, tremblées et troublées de poussière, vues à la télé et inoubliées. Trop de pathos et de montage, sur la pellicule imprégnée de ruines de leur film pompier. Mais, de ci de là, quelques plans définitivement imprimés : dans le hall de la tour n° 1, les chefs, accrochés à leur fil d'Ariane radiophonique, qui se cognent en aveugles ; les zooms dans les yeux où point la panique incrédule ; l'escalier qui avale ­ quatre-vingts étages, une minute pour un palier, trente kilos de charge (estimations)... Alors, dimanche, sans rien savoir encore des causes ou des raisons mais comme chez tout un chacun, l'effet de deux mots, explosions + pompiers, fut cataclysmique comme à Toulouse, car le 11 septembre nous obsède (1). Pour ne pas plus nous traumatiser, les bouches officielles se sont appliquées à ne pas parler de «héros» ; le terme, cependant, n'eut pas dissipé notre brutale empathie ­ notre affection, même ­ pour les cinq jeunes gars (22 à 27 ans, autant dire des mômes) dont les vies furent soufflées dans un feu comme il s'en maîtrise, dit-on, vingt mille par an. Ce que j'essaye de décrire est un sentiment intime et serein, presque irréel de n'être affecté d'aucune arrière-pensée (risques du métier militaire, accident de travail banal, parano anniversaire, etc.) Et même après que nous auront été expliqués la combustion lente du gaz accumulé, l'