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Libération

Le psychosé

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publié le 30 septembre 2002 à 1h09

Dans le vide bonhomme du ronron raffarinien, jeudi, un seul mot fixa l'attention. Ce mot, on eût dit le grincement nocturne d'une latte de parquet sous une pantoufle subreptice. Dans ce studio où, entre l'ex-ministre Allègre et le premier Raffarin, se passaient rhubarbe et séné, une voix vint chatouiller la satisfaction quiète du second en posant, dans la cacophonie du discours gouvernemental, l'hypothèse de quelque chose comme «une psychose» ­ le refoulé de l'automne 1995, lorsque Juppé... Ce mot de psychose déstabilisa l'hôte qui, entre une brève hésitation et un sourire béat, interrogea benoîtement son entour : «Est-ce que j'ai l'air d'un psychosé ?» Ces trois secondes signifièrent extrêmement. Dans le néologique «psychosé» (pour psychotique), M. Raffarin nous découvrit tout à la fois l'aversion que le terme lui inspirait, la confirmation de son talent pour la dérobade et sa suffisance très fate de grand communicant. «Psychosé» le ravit comme un slogan publicitaire promu électoral, une blague de comptoir efficace autant que salace.

Dans la France profonde d'en haut dont M. Raffarin est l'épicier en chef, tout ce qui traite de l'inconscient, de l'ombre et de la complexité, sinon du complexe (tout ce qui a trait à tout ce qu'elle confond dans un «psy» générique), psychose s'entend comme une insulte. Comme au siècle dernier, quand le bourgeois béotien explosait à la face du toubib lui suggérant ­ avec précaution ­ de prendre contact avec un analyste : «Mais... Je ne suis pas