Il est des catégories qui tuent, ou, à défaut, rendent tout débat impossible, suscitent la confusion au sein des discours les plus éclairés et font régresser le mouvement des idées au lieu de le favoriser. «Antimondialisation», qui s'est taillée une place de choix dans l'espace politico-médiatique des cinq dernières années, est l'une de ces catégories mensongères, délétères, et même : mortifères.
De Seattle à Kananaskis (1), en passant par Davos et Porto Alegre, Québec et Gênes, aujourd'hui Washington, cette catégorie prétend rendre raison des postures, des théorisations, des manifestations les plus diverses, les plus opposées, les plus problématiques. Echappée de la boîte de Pandore des illusionnistes du concept événementiel, elle fige des positions qui ne l'étaient pas nécessairement. Elle fabrique du «dissensus» a priori là où un peu d'attention eut plutôt permis de discerner débat contradictoire, délibération, constitution de rapports de forces, enfin politique. Elle ignore la complexité des questions en jeu et le refus des nombreux acteurs qui s'y intéressent sérieusement de réduire cette complexité à peu de chose. Là où un jugement extra-moral se révélerait infiniment précieux, elle s'offre aux discours en vogue comme le pauvre ressort d'une morale qui se moque de savoir et préfère diviser.
Elle est mensongère, cette catégorie, en tous ses aspects, car elle fait de «la mondialisation» quelque chose qui serait bien connu et dont il n'y aurait pas à douter, et de son avers