Un vaste salon. Christian Clavier en redingote grise et bicorne se regarde dans une glace.
Clavier
Quelle satisfaction de jouer Bonaparte !
A ma vue désormais tout un chacun s'écarte
Et c'est entrer vivant dans quelque Panthéon
Que d'apparaître à tous comme Napoléon.
(Une forte odeur de poudre. Le spectre de Napoléon apparaît.)
Le spectre de Napoléon (à toute vitesse)
Ah ! Che tù inbuffi (1), tu confonds l'huître et l'aigle !
Mécontent... Ma grandeur... Accidenti ! la règle !
Gattivu sughjettu ! Mauvaise imitation !
Calumnione, farceur ! Austerlitz ! Contorsion !
Et veux-tu répéter ce que je viens de dire ?
Clavier
Vous répéter ? Quoi donc ? Majesté, je... euh... sire,
Je dois vous avouer que je n'ai rien compris.
Le spectre de Napoléon (articulant enfin)
Spezia di rubaccia ! vieux kroumir, malappris,
Tu exiges de moi qu'à la fin j'articule,
Tu n'en verras que mieux ton obscur ridicule.
Tu rabaisses d'emblée ma sublime ambition,
Tu n'as jamais perçu le coeur de ma passion.
D'où t'es venue l'idée de singer Bonaparte,
Méritant de Godin (2) une sévère tarte ?
Tu ne m'as pas vu jeune, éclatant, maigre et vif,
Tu marches bedonnant, moi j'étais impulsif,
En un drame bourgeois tu changeas l'épopée
Comme un manche à balai en place d'une épée.
Regarde bien mon oeil ! Sais-tu que j'étais beau,
Avec des mains d'artiste et un nez en corbeau ?
Empêtré d'un fanion sur un faux pont d'Arcole,
Tu confonds Joséphine avec la Périchole.
N'est pas petit qui veut pour se faire assez grand.
Et puis tu estropies ce gredin de Talle