Question d'actualité : si la Droite était assez fine pour ne pas censurer, pour flatter en mots les minorités, accompagner la libération des cadres familiaux et soutenir par des lois l'intégration des immigrés, que resterait-il de la Gauche ? Le penseur Jean-Claude Michéa répondrait : rien. Pourtant, il semble de gauche. Mais pas de cette Gauche-là, de ce mouvement libéral-libertaire qui, en concentrant sa lutte sur les droits des individus-consommateurs et en sniffant la poudre de modernité, a ignoré le désastre social engendré dans les années 80.
Michéa pense que le mal de cette Gauche d'en haut, son erreur fondamentale, remonte à Adam Smith (1723-1790). Elle en aurait repris depuis l'époque des Lumières, comme la Droite, mais moins consciemment, le grand postulat. Pour l'auteur de la Richesse des nations, inventeur de l'économie politique et du concept de marché, les relations sont gouvernées au mieux par les «intérêts», la mécanique du chacun pour soi. «N'essayez pas de faire le bien, dit-il. Laissez-le naître comme un sous-produit de l'égoïsme.» Son monde sinistre et merveilleux vit en nous plus que jamais : rares sont ceux qui ne prêchent pas, même implicitement, que l'homme est mauvais et le marché, sa seule gélatine possible. «La Gauche, écrit Jean-Claude Michéa, s'abreuve exactement à la même source philosophique que le libéralisme moderne» : un individualisme rationnel, cynique et obsédé par l'idée de progrès.
Pour lui, les penseurs de la Gauche ont donc le plus souv