Le 11 septembre marque la fin d'un monde. Regardez bien : un ministre de l'Intérieur qui criminalise la mendicité selon des schémas qu'on croirait sortis de la IIIe République de Thiers. Une armée qui retrouve une place prioritaire dans le budget. Une gauche qui n'ose même plus prononcer les mots d'éducation ou de tolérance. Un regain d'intérêt étrange pour les «poilus» et la guerre de 14. La censure qui menace des ouvrages «pornographiques». Et tout cela, dans l'indifférence, une terrible indifférence, incroyable, assourdissante...
Pourquoi personne ne proteste plus devant des gestes qui auraient amené des centaines de milliers de personnes dans les rues il y a quelques années ? Quel est le sens de ce silence ? Rien d'autre que la fin d'un monde. Le 11 septembre n'est pas qu'un «fait» de plus dans la liste de l'histoire, il est le moment où une époque est morte. Celle où la guerre était finie pour de bon et où les uniformes faisaient marrer. Celle où les conservateurs bornés faisaient partie du paysage français, mais n'inquiétaient personne sérieusement. L'insouciance est morte le 11 septembre, et la peur, diffuse, secrète, parfois inavouée qui a contaminé notre esprit depuis, nous rend aphones et étonnés.
Il faut pourtant se ressaisir, et vite. Ne pactisons pas avec les affairistes, en oubliant trop vite que les docteurs d'aujourd'hui sont les criminels d'hier. Leur gravité feinte et écoeurante, lorsqu'ils parlent avec sérieux des drames du monde, ne doit pas nous aveugler s