Tout fout le camp : la République détruite par la démocratie, l'école par la télévision, l'Etat-nation par l'Europe, la reproduction sexuelle de l'espèce par les biotechnologies, la famille par le Pacs, l'égalité par la parité... Et la faute à qui ? Aux soixante-huitards attardés en intellectuels de gauche ! Voilà un discours qui se porte bien dans le mondain ; voilà un discours qui flatte les esprits chagrins de tous bords ; voilà aussi un discours peureux. Oui, messieurs les grincheux, il y a des «problèmes» : les élèves ne sont plus ce que nous avons été, l'école n'enseigne plus ce que nous avons appris, la nourriture n'est plus celle qui nous a nourris, la politique ne se déroule plus dans le cadre de l'Etat-nation, les enfants ne se font plus comme nous avons été faits, le père n'est plus le chef suprême de la famille que nous avons aimée... Mais est-ce une raison pour penser que les élèves sont des consommateurs décervelés, l'école un lieu où s'apprend l'ignorance, les aliments un empoisonnement permanent, l'Europe un espace où se perd l'exigence démocratique, la famille recomposée le creuset de la décadence sociale ? Pour les esprits chagrins ou grognons, peut-être ; à condition qu'ils oublient que ce qu'ils regrettent était jugé contraire à l'ordre des choses par les générations précédentes. Pour les autres, non ; il s'agit moins de pleurer sur le passé que de comprendre le moment de l'histoire où nous nous trouvons.
Comprendre, par exemple, que les élèves ne sont pas