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Libération
TRIBUNE

Irresponsables historiens d'art

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par Thierry de DUVE
publié le 23 décembre 2002 à 2h14

Le titre est prometteur : «Manet-Velázquez», avec, en sous-titre, «La manière espagnole au XIXe siècle» (1). Une rencontre au sommet a lieu au musée d'Orsay, les deux souverains accompagnés de leurs ambassadeurs : Ribera, Murillo, Zurbarán... pour l'Espagne du grand siècle, Courbet, Delacroix, Degas... pour le XIXe siècle français. Sachant la difficulté qu'il y a à faire voyager des chefs-d'oeuvre pour une exposition temporaire, on s'attend tout tremblant à une expérience esthétique intense qu'on ne pourra faire qu'une fois dans sa vie. D'emblée, on est assommé. On attendait Manet, c'est Regnault : une grande machine équestre peinte à Madrid (c'est à peu près tout pour le rapport à l'Espagne) vous barre l'entrée, sans recul. Il faut se glisser dans la première salle presque par effraction. Comme accueil il y a mieux. L'oeil fait le tour de la salle, et malgré un accrochage trop serré on est d'abord ébloui et puis, très vite, inquiet. Pablo de Valladolid et le Ménippe de Velázquez sont là, majestueux. Mais où sont l'Acteur tragique et le Philosophe de Manet ? On se retourne pour découvrir le Soldat mort de la collection Pourtalès. Mais où est le Torero mort de Manet ? L'expo se paie le luxe de deux Saint François de Zurbarán, merveilleux. Mais où est le Moine en prière de Manet ? On se dit alors : «Comment, ils n'ont pas pu les obtenir ?» Eh bien, non, le Moine en prière est dans la salle suivante, non loin du Saint François agenouillé mais placé de telle sorte qu'il n'y a pa