Ce n'est pas à Waterloo que Napoléon perdit la guerre, ni même dans les eaux glacées de la Bérézina, mais plus tôt, presque à ses débuts, en se trompant sur le choix de l'espace stratégique où la faire. Erreur initiale qui ne pardonne pas, quels que soient les moyens et les talents. Louis XVI ô combien moins brillant, moins charismatique ! fut à cet égard un plus lucide géopoliticien. Il avait compris que l'espace de la compétition pour la suprématie était, et serait à l'avenir, maritime et mondial. Bonaparte en eut aussi l'intuition fugace, ainsi que le montre l'expédition en Egypte. Ayant échoué, il se rabattit sur le continent, champ de bataille classique, relativement confiné, déjà dépassé par la deuxième mondialisation en plein essor.
Qu'est-ce qu'un bon stratège ? Selon le maréchal de Saxe, le vainqueur de Fontenoy, le meilleur des stratèges serait celui qui, en livrant le minimum de batailles avec le minimum de pertes, remporterait «la» victoire décisive. En somme, tout le contraire de Napoléon, qui livra une multitude de batailles, en gagna beaucoup, consomma des armées entières, et qui, en fin de compte, subit deux défaites décisives, causant à la France deux invasions terribles, deux occupations ruineuses et la perte d'une certaine prééminence. Mais qu'importe, semble-t-il. Malgré ces échecs, l'empereur règne sur l'histoire. Grâce à un charisme fabuleux dont les effets sont prolongés jusqu'à nos jours par une légende fantastique, il échappe au jugement de la rai