En regardant le journal de vingt heures avec son catalogue de catastrophes et d'horreurs, je me suis demandé pour quelle raison les informations télévisées utilisent les procédés de l'écrivain. Tiens donc ! De l'écrivain ? Oui. Exemple : l'autre jour, j'ai vu une femme accrochée dans un arbre. La caméra cadrait son visage. Ses yeux étaient vides de peur. Un commentateur invisible m'expliquait qu'il y avait une inondation dans un pays lointain. Ai-je compris ? Oui, j'ai compris. Même le plus abruti des téléspectateurs aurait saisi. N'empêche que c'est redoutable. Pourquoi ? Parce qu'une femme accrochée à un arbre n'est pas l'inondation, mais son symbole.
Depuis longtemps, les médias ne nous montrent plus la réalité, pas même un bout de réalité, mais une version abrégée et métaphorique de la vie. Les images d'enfants palestiniens qui jettent des pierres contre un tank israélien ne révèlent pas le conflit au Moyen-Orient. Elles installent une légende, celle où des persécutés farouches et fanatiques défient des persécuteurs tout aussi farouches et fanatiques. Mais que font-ils quand ils ne luttent pas ? Pas de dialogue ? Pas d'amitié ? Aucun lien économique ? Passons, passons, pas assez photogéniques. Voyons maintenant le côté arabe. Ces jours-ci, une image a fait le tour du monde. Télé allemande, télé française, même combat, partout des Arabes qui brûlent le drapeau américain. Voilà une image allégorique dans son application pratique. Elle fixe l'homme aux traits marqués par la