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Libération
TRIBUNE

Bush devant le Rubicon

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par Alain Touraine
publié le 21 février 2003 à 22h29

J'écris de New York, au retour de la grande manifestation qui s'est concentrée autour du siège des Nations unies en face de la 49e rue. Cette manifestation, d'abord interdite, ensuite autorisée, a entraîné avec elle l'apparition à la télévision d'adversaires de la guerre et en premier lieu d'artistes comme Susan Sarandon. Quel changement en quelques jours ! On ne lisait, on n'entendait que les défenseurs les plus extrêmes de la politique officielle et surtout on ne voyait que le président Bush, seul, dans des postures martiales, sur un navire de guerre ou devant des troupes. Les dirigeants américains commencent à reconnaître le prix qu'ils ont déjà payé pour leur politique : la rupture de l'Otan et des manifestations d'hostilité. De manière plus concrète, on voit monter aux Etats-Unis la peur des attentats par des armes biologiques et chimiques. Des programmes ont montré à la télévision comment il faut colmater les fenêtres et quand il faut se réfugier dans les caves. D'autres voix rappellent que la Corée du Nord possède des armes nucléaires qui représentent un danger immédiat pour la côte ouest ; mais celles-là n'ont guère d'influence car il ne s'agit pas d'une crise aiguë. Ce qui est sensible est que, chaque jour, s'élargit la crevasse qui sépare le discours officiel, toujours aussi dur, aussi méprisant à l'égard des Nations unies et qui prépare et annonce une guerre toute proche, évidente et sans danger, et, de l'autre côté, une opinion qui reste patriote et soudée autour