Le veto, comme l'arme nucléaire, est d'un emploi délicat. Surtout contre un allié traditionnel. Ce n'est donc pas un hasard s'il faut remonter à 1956 pour en trouver trace du côté français ; c'est à deux reprises, le 30 octobre et le 1er novembre de cette année-là, que Paris (accompagné par Londres) sort son joker pour s'opposer à la volonté américano-soviétique de mettre un terme à la malheureuse expédition de Suez montée de concert avec la Grande-Bretagne et Israël dans l'espoir d'en finir avec Nasser ; le raïs, en effet, a eu l'audace de nationaliser le canal, menace régulièrement l'Etat hébreu dans son existence, et ne cache pas son soutien aux nationalistes algériens. Ce double veto, bien sûr, ne changera rien au cours de l'Histoire ; il pèse bien peu face à la colère d'Eisenhower, qui voit à juste titre dans l'expédition franco-britannique un relent de colonialisme et un coup porté au front atlantique et aux Nations unies. Il pèse encore moins face aux menaces du maréchal soviétique Boulganine d'avoir recours à des armes de destruction massive contre les trois récalcitrants, même si dans le même temps l'armée Rouge en profite pour écraser sous ses chars l'insurrection de Budapest.
Bien sûr, la situation d'aujourd'hui n'a rien de comparable. L'hyperpuissance américaine a succédé aux deux superpuissances d'antan et la France ne mène plus de guerres coloniales. Le précédent de 1956, pourtant, doit rester présent dans la mémoire de Jacques Chirac. D'abord et surtout parce q