Concernant la chute du nombre de victimes de «l'insécurité routière», bien sûr, j'ai ma petite idée. Elle vaut ce qu'elle vaut et n'est guère originale, mais je vais tout de même l'énoncer non sans avoir au préalable salué dans les statistiques de mardi (Libération du 12 mars) une bonne nouvelle (je dis ça par précaution, afin qu'on n'aille pas encore m'accuser de défaitisme dans la guerre à toute sorte de délinquances). A l'évidence, la dite «peur du gendarme» est performante, mais dans des proportions qui font s'interroger sur la nature de cette peur jusque-là facétieusement exorcisée Ô, litanie d'appels de phare du flux montant pour signaler la présence en aval d'un radar, képi ou véhicule banalisé, à l'affût dans un virage... Depuis quelques mois, cette peur s'est lestée d'autre chose ; elle est devenue peur tout court, prégnante, diffuse, rallumée au moindre éclat de pin-pon ou de gyrophare, et génératrice d'une paranoïa peu compatible avec l'usage serein du bitume. En ville, la damoclésienne perspective du contrôle inopiné a pris de terrifiantes proportions, tant le plus minime écart assimile son auteur au plus grand délinquant. Quand la pédagogie policière flirte ainsi avec l'arbitraire, on est mal. Pour tout dire, je ne me suis pas senti bien, l'autre jour, en cet embouteillage. Sans doute, ma roue avant mordant sur le passage piétons était-elle «coupable». Justifiait-elle cependant que le couple de flicards impromptus me le signifiassent avec une telle morgue ?
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