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Libération
TRIBUNE

La poésie doit dire son mot

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par Jean-Pierre Siméon
publié le 24 mars 2003 à 22h16

Un poème peut-il empêcher une guerre ? Evidemment non et poser la question prête naturellement à sourire. Au reste, un poème n'a jamais rien empêché ni changé directement l'ordre ordinaire des choses. La poésie n'a pas de ces efficacités immédiates et, quant à l'existence concrète, elle ne prémunit ni ne console de rien. Quand bien même elle relèverait, comme on l'a pu dire, d'une «vérité pratique», il serait naïf et léger d'interpréter ce qui désigne une position critique dans la saisie du monde par les mots, en termes d'utilité.

Pourtant, à moins de considérer la poésie comme un pur langage, on ne peut faire qu'elle n'ait sa part de responsabilité ­ son devoir de répondre donc ­ face aux questions que posent les mouvements violents et contradictoires du monde avec lequel elle est compromise, qu'elle le veuille ou non. Autrement dit, même si «la vraie vie est ailleurs», les poètes ne peuvent être que requis et sommés de parler par ce qui se trame sur les basses terres du réel contre justement l'utopie, fût-elle fragile, incertaine et déraisonnable, que leur travail implicitement ou explicitement promeut. C'est-à-dire quoi ? Toutes les formes d'oppression et d'asservissement des cons ciences individuelles et collectives, tout ce qui en l'homme dément l'homme. Pas besoin de faire un dessin : tout cela a un visage, de multiples visages, ceux de toutes les misères matérielles, morales et intellectuelles, de toutes les tyrannies idéologiques et religieuses et celui éternel du mas