Pendant un demi-siècle, l'Europe s'est construite sans ses citoyens. Au sein de chaque nation, des minorités influentes, ferventes mais peu nombreuses faisaient avancer les choses, étape après étape. L'opinion ratifiait après coup, bon gré mal gré. C'était le vice majeur du choix rationnel, pragmatique mais hémiplégique de l'Europe économique d'abord. Il s'agissait de créer des solidarités et d'édifier un socle sur lequel, dans une seconde phase, on bâtirait l'Europe politique. En attendant, l'Union pratiquait une stricte diète démocratique. On élisait un parlement européen mais du bout des doigts, avec un taux d'abstention calamiteux. Les conseils européens se tenaient dans l'opacité, la commission était stupidement diabolisée : pour les gouvernements, il allait de soi que la gloire des bonnes décisions leur revenait et que la charge des choix désagréables relevait de Bruxelles. Tout cela demeurait hypocrite, hermétique, presque codé et fort peu pédagogique. L'Europe restait une entreprise trop sérieuse pour être partagée avec les citoyens. La deuxième guerre du Golfe bouleverse tout cela : elle est marquée par l'irruption soudaine des citoyens sur la scène européenne. Il s'agit même du seul facteur réconfortant au milieu des désastres diplomatiques, politiques, moraux et surtout humains que constitue cette guerre illégale, cruelle et évitable. Face à la logique de George W. Bush et de ses alliés, une opinion publique européenne, continentale en tout cas, a spectaculairemen
Une nouvelle Europe des citoyens
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par Alain Duhamel
publié le 29 mars 2003 à 22h25
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