J'ai ressenti à Djibouti, en février, lors de rencontres littéraires organisées par le Centre culturel français Arthur-Rimbaud, les premières atteintes d'une maladie honteuse qui frappe aujourd'hui nombre d'écrivains devant la guerre d'Irak : le désarroi. Nous voici dépourvus d'équipage, privés d'arroi. Nous voici incapables de nous engager, quand on nous le demande ! Les médias, les idéologues, les dirigeants politiques se plaignent de nous. Amèrement. L'insidieux désarroi décime nos troupes, comme la syphilis, jadis, dévastait les poètes. Il nous empêche de prendre parti «pour la guerre» ou «pour la paix». Mais quelle guerre, au juste ? Et surtout quelle paix ? A Djibouti, par exemple, je n'ai rencontré que des partisans de la paix. Or Djibouti est le miroir du monde...
Petite République de 600 000 habitants (presque tous musulmans), Djibouti est un jeune pays issu de la colonisation et réputé pour sa position stratégique. La démocratie récemment établie y est si parfaite que la coalition majoritaire UMP, ex-parti unique vient de s'adjuger la totalité des sièges face à la coalition d'opposition. La France y construit des lycées et l'Arabie Saoudite des routes. Kadhafi (de passage) y distribue des T-shirts à son effigie, que portent, dans les terrains vagues de leurs bidonvilles sans eau courante ni tout-à-l'égout, les enfants illettrés de Balbala. Les trafiquants éthiopiens approvisionnent les habitants en feuilles de khat, drogue légale dont la consommation massive ent