Le président de la République n'a pas tort de relativiser les secousses qui ébranlent une Union européenne profondément divisée par la question irakienne. Depuis 1950, on ne compte plus les crises plus ou moins graves après lesquelles de bonnes âmes se sont empressées de gloser sur la «mort de l'Europe» ou son «agonie». Est-ce à dire qu'il en ira de même demain ? Peut-on parier que l'Union sortira une nouvelle fois renforcée de l'épreuve? Jacques Chirac, qui semble avoir fait de la construction européenne l'un des enjeux de son second mandat, s'affirme «optimiste». Pourtant, cette fois, la crise est d'une nature différente et son issue imprévisible.
Car elle est moins celle de l'Europe que celle du lien transatlantique. Les Européens, qui avaient remis, depuis 1945, aux Etats-Unis le soin d'assurer leur sécurité, sont sommés de repenser leur rapport au reste du monde et ce au pire moment : le «grand élargissement» va avoir lieu et leur Constitution est encore dans les limbes. La crise actuelle a ceci de spécifique que, pour la première fois, elle n'est pas d'origine interne mais externe. Ce sont les Etats-Unis qui l'ont provoquée en exigeant de leurs alliés européens qu'ils se comportent en vassaux. Ils savaient que cette diplomatie du coup de menton provoquerait une fracture entre les Européens, la grande majorité des gouvernements refusant de rompre avec soixante ans d'alignement et de risquer un saut dans l'inconnu. Surtout, elle rend sans objet l'exercice constitutionnel