La guerre est aux yeux de la théorie économique une activité hautement irrationnelle parce qu'elle détourne de précieuses ressources vers des emplois improductifs. Ce qui ne peut manquer d'affecter négativement le niveau de vie des populations concernées. On trouve cette idée présente dès la naissance de l'économie politique moderne. Ainsi, au XVIIIe siècle, un auteur comme François Quesnay écrivait que, si la guerre avait pu enrichir certains peuples de l'Antiquité, elle était désormais une source d'appauvrissement pour les peuples des temps modernes.
Cette manière tout économique de concevoir l'activité militaire comme un coût qui vient amputer le dynamisme productif a trouvé en 1988 dans le livre de Paul Kennedy Naissance et déclin des grandes puissances une nouvelle expression. Cet historien britannique insiste sur le risque d'affaiblissement à long terme que courent les nations hégémoniques lorsqu'elles distraient trop de ressources de la création de richesse pour l'allouer à des buts militaires. A un certain point, écrit-il, «les bénéfices potentiels d'une expansion externe se trouvent plus que compenser par les importantes dépenses qu'elle nécessite». Aussi, mettait-il les Etats-Unis en garde contre une «surexpansion impériale» pouvant in fine les conduire au déclin à la manière de l'empire britannique.
Cette mise en garde avait d'autant plus de chance d'être entendue que les Américains avaient alors sous les yeux les étonnants succès économiques allemands et japonais,