Faire subir aux termes nés de périodes historiques particulières des interprétations suggérées à l'aune d'une actualité brûlante et passionnelle est un exercice de style aussi tentant que périlleux. Il en est ainsi de l'antisionisme, à partir duquel des individus, animés parfois de louables intentions, en viennent à démontrer qu'il ne saurait être synonyme d'antisémitisme.
Dans son sens originel, le sionisme est avant tout un sursaut civilisationnel, un vaste espoir consécutif aux pogroms et autres persécutions auxquelles eurent à faire face les juifs d'Europe centrale et orientale, à la fin du XIXe siècle. Le sionisme apparaît ainsi comme l'une des traductions les plus abouties de ce que nous, Français, avons affirmé comme un principe philosophique premier : le droit des peuples sous-entendu opprimés à disposer d'eux-mêmes, ce droit à l'autodétermination qui pousse les Palestiniens, à juste titre, à revendiquer et à se battre pour la création d'un Etat souverain.
Ainsi, le romantisme des premiers sionistes les Amants de Sion laissa finalement la place au sionisme politique de Theodor Herzl ou Haïm Weizmann, avec la certitude que la rédemption n'émanerait que d'une souveraineté nationale, quand bien même celle-ci devrait être obtenue par la sueur et les larmes. Cette reconquête identitaire devait en définitive passer par l'installation dans une province ottomane puis britannique, en esquissant les contours d'un Etat démocratique qui, consentons-le, n'a pas abouti à la