Jean-Marie Le Pen n'a pas atteint le second tour de l'élection présidentielle grâce à son seul bagout, à la «force tranquille» de sa campagne apaisée, ou à l'accumulation d'erreurs qui a provoqué la dégringolade de Lionel Jospin. Si le leader d'extrême droite a réussi à se faufiler, dans l'indifférence générale, jusqu'à la finale élyséenne, c'est qu'il a bénéficié de multiples complicités. Le grand mérite de l'enquête minutieuse de Patrick Cohen, journaliste à RTL, et Jean-Marc Salmon, sociologue, est de lever le voile sur ces «idiots utiles» de l'ascension lepéniste, involontaires mais efficaces auxiliaires de son succès. Le premier d'entre eux a été celui qui, à l'arrivée, en a tiré profit : Jacques Chirac. Faisant dès le 14 juillet 2001 de l'insécurité le thème majeur de la campagne présidentielle et en le martelant jusqu'à la nausée pour déstabiliser Jospin, Chirac a fait le lit de Le Pen. Une stratégie d'autant plus payante qu'elle a été relayée sur le champ par la télévision. Les auteurs se sont livrés à une recension fouillée du traitement de l'insécurité sur le petit écran tout au long de la campagne présidentielle. Le verdict est édifiant. TF1 ouvre le bal dès le 16 juillet 2001, au surlendemain de la charge élyséenne, et choisit de faire de son journal de 20 heures une véritable «édition spéciale» qui empile huit reportages sur des sujets aussi divers que la mort d'un jeune dans une rave party, des incendies de voitures en banlieue parisienne, un couvre-feu pour mi
Critique
L'engrenage de la peur.
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par Renaud DELY
publié le 22 avril 2003 à 22h56
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