Menu
Libération
TRIBUNE

Le calvaire tchétchène

Article réservé aux abonnés
publié le 6 mai 2003 à 22h54

Anna Politkovskaïa est une journaliste rare en Russie. Courageuse et lucide sur son pays, elle n'a pas peur de dénoncer la guerre menée par Moscou en Tchétchénie. Son livre Tchétchénie, le déshonneur russe est un réquisitoire contre le président Vladimir Poutine qui, promettant de «buter les terroristes jusque dans les chiottes», a relancé le conflit en octobre 1999 et qui couvre aujourd'hui les horreurs perpétrées par ses troupes tout en assurant à la communauté internationale qu'il recherche une paix juste.

Pour l'avoir partagé, Anna Politkovskaïa connaît le quotidien des Tchétchènes, souvent réduits à vivre dans des ruines, sans eau ni électricité, à la merci des «occupants» et de leurs sanglantes opérations de nettoyage (les zatchistki) dans une république devenue zone de non-droit. Le livre s'ouvre sur le calvaire d'une habitante de Grozny, Aïchat Souleïmanov, 62 ans, qui eut l'audace de refuser une bière à un soldat russe venu frapper chez elle à deux heures du matin. Son mari a été tué, elle a reçu cinq balles tirées à bout portant.

Sans indulgence envers ses compatriotes qui laissent faire, voire qui approuvent de telles exactions, Anna Politkovskaïa porte aussi un regard sévère sur les dirigeants tchétchènes qui, après s'être battus pour l'indépendance, se sont entre-déchirés pour le pouvoir. Renforçant le désespoir ambiant, la population ne croit plus en aucun d'eux, pas même dans le président Aslan Maskhadov élu triomphalement en 1997. Désormais, aux côtés des «occi