Lorsque la première «affaire du voile islamique» a éclaté en 1989, les belles âmes ont prêché la tolérance : couvert par une aveugle bienveillance, le phénomène était voué à s'éteindre de lui-même. Et puis pouvait-on imaginer une figure plus parfaite de la victime qu'une jeune fille voilée ? Comment la rigueur universaliste républicaine pouvait-elle oser s'en prendre à elle, fille d'immigré musulman, banlieusarde, asservie ? La culpabilité postcolonialiste des beaux quartiers l'a ainsi laissée à sa condition d'intouchable ; elle a consenti du même coup à exposer la musulmane non voilée à des persécutions bien réelles.
Loin de s'atténuer, le phénomène s'est au contraire développé. Encouragé par un laisser-faire qui vaut effectivement reconnaissance de l'obligation d'appartenance, il a déclenché une exaspération des antagonismes religieux exprimés à l'école publique.
Quand bien même le port du voile à l'école publique serait réductible à la manifestation d'une opinion religieuse issue d'un «choix personnel», il n'en serait pas moins condamnable de même que le port de la croix ou de la kippa , mais tout le monde peut constater qu'il excède largement cette dimension. Brandi parfois comme signe politique (comme l'ont montré les récents événements au collège de Savigny-le-Temple), il signe l'enfermement de la femme dans une communauté de repli. Sous prétexte de la «protéger» en la couvrant, il la dépouille de toute qualité en la réduisant à une particularité qu'elle n'a pas chois