Raffarin et Fillon sont-ils sur le point de déclencher la même tempête sociale que Juppé en 1995 ? En tout état de cause, on peut déjà dire qu'ils n'ont pas mis toutes les chances de leur côté. Il est difficile de demander des efforts importants aux fonctionnaires après avoir accumulé les symboles malencontreux, que ce soit l'austérité généralisée dans l'éducation et la recherche ou les largesses accordées aux contribuables aisés (impôt sur la fortune, tranches supérieures de l'impôt sur le revenu), en passant par l'augmentation de 70 % du salaire des ministres.
Mais la gauche aurait tort de s'en tenir là. Une réforme des retraites est nécessaire, et tout n'est pas à rejeter en bloc dans le projet Fillon. En particulier, il est faux de dire que le statu quo, c'est-à-dire 37,5 années dans le public, 40 dans le privé et forte hausse des cotisations, ou encore retour à 37,5 années pour tous et très forte hausse des cotisations, est une bonne affaire pour les salariés les plus défavorisés du pays. Notre système de retraites est riche en redistributions obscures et souvent régressives. Correctement appliqué, le principe des 40 ans pour tous (avec évolution commune ensuite) peut constituer une référence équitable et lisible, permettant de refonder l'ensemble.
L'injustice fondamentale du système actuel est bien connue. Elle tient au fait qu'il ne suffit pas d'avoir cotisé 37,5 ou 40 ans pour avoir droit à une retraite à plein taux : il faut également avoir 60 ans. Autrement dit, ceux