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Libération

Prends-moi en «otage»

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publié le 16 mai 2003 à 23h01

Evidemment, investir ainsi l'ascenseur, le bistrot ou le bureau avec une banane jusqu'aux oreilles en braillant que «Vive la grève générale, bordel !», c'est s'exposer ici et là à quelques sourires pas toujours amènes, à quelques propos volontiers acariâtres. Y ajouter un vibrant «Salut fraternel aux camarades cheminots et traminots !», ce serait, paraît-il, s'exposer au lynchage de la part de ces «otages» dont à satiété nous bassinent les ondes. Peut-être, mais peut-être pas... Tôt au matin de jeudi, il y avait, sur le canal tout brillant de lumière, une brume flottant comme une esquisse de décembre désiré. Des riens traduisaient cela : au virage de Beaurepaire, l'inversion du rapport de force cyclos-autos contraignant les secondes à respecter la priorité des premiers ; le sac à dos résigné, décrédibilisant tout à fait l'austérité du costume verni ; aux pieds des filles, la fulgurante adaptation des talons plats et plus souvent sportswear à toutes sortes de vêture (que la grève dure, il s'en tirera des modes) ; le rythme de fondeur du talon-pointe anticipant, sur les trottoirs surchargés, une complexe géométrie de trajectoires séquentes ; les mains désencombrées de Metro machinalement attrapé aux bouches du métro quand il roule ; des regards qui se perdent à l'assaut du ciel et d'autres perspectives, quand les troupeaux d'autobus s'abstiennent de les borner. Manquent les sourires. C'est normal. Nous ne sommes pas des masses, tout juste des groupes usés d'«usagers», qui ­ sa