Dans un des innombrables mitards d'une des innombrables prisons qu'il a connues, Laurent Jacqua se souvient d'un reportage sur les plantes carnivores : «On y voyait l'une d'elles se refermer sur un insecte prisonnier de ses parois visqueuses. (...)La fleur létale se refermait comme une bouche cruelle. (...) Les sucs digestifs avaient commencé à faire leur oeuvre, et la mouche allait se dissoudre.» Pour le prisonnier, la vie en prison «ressemble à ce processus de digestion». «C'est un bain d'acide qui vous fait fondre (...). Au fil des années, vous devenez la prison.» Jacqua a 18 ans quand il entre à Fleury-Mérogis en 1984, accusé de meurtre. En 2003, près de vingt ans plus tard, il est à Bois-d'Arcy. Pas près de sortir. Les peines s'accumulent pour celui qui, à 18 ans, a tué un skinhead et blessé un autre qui avaient commencé par l'agresser. A 21 ans, il est condamné à dix ans de réclusion. Lors du procès, nul n'a pensé à évoquer l'idéologie des skins, mais trois mois plus tard il voit à la télé une enquête sur la mouvance skin. Le chef de bande qu'il a blessé y «prône la violence, la haine raciste et développant des thèmes néonazis», revendique son appartenance à un groupe musical Zyklon B. A l'injustice qu'il ressent face à une peine qui, selon lui, aurait été «réduite de moitié» si la vérité avait été connue, s'ajoute un autre motif de désespoir. Juste avant le procès, il a appris qu'il avait le sida.
Son livre retrace en fait plusieurs morts lentes. Pour tenir, le condamn