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Libération
TRIBUNE

Aux arts, citoyens.

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Artistes, enseignants, journalistes sont les premiers touchés par cette douleur sociétale.
par Jean-Michel Djian
publié le 18 juillet 2003 à 0h02
(mis à jour le 18 juillet 2003 à 0h02)

L'effervescence anarcho-artistique de l'été n'a rien d'un mouvement d'humeur. Elle est l'exacte expression d'un hiatus encore inexpliqué entre les tenants d'un devoir de politique culturelle incarné par des gouvernants qualifiés de géomètres, et des artistes et gens du métier, communément appelés saltimbanques, qui considèrent que les fondements mêmes de leur engagement dépassent désormais le politique. C'est un fait nouveau, historique et grave.

C'est un fait nouveau dans la mesure où jamais un festival, en l'occurrence celui d'Avignon, ne fut annulé pour des raisons liées à des revendications «corporatistes». Au contraire, il y a toujours eu dans l'histoire des mouvements artistiques, pendant le Front populaire ou en 1968, une fusion subliminale entre l'art et l'idéologie, entre les créateurs et l'utopie. Quelque chose qui fasse que le Roi et le Bouffon trouvaient toujours à dénouer, par la satire, le drame ou le rire, toutes prétentions des vivants à se satisfaire de la réalité. Quelque chose qui disait au reste du monde que l'espoir est permis tellement l'homme a la capacité de «contester» (Hannah Arendt).

Tel n'est pas le cas aujourd'hui. La peur latente de vivre mal dans un monde qui passe son temps à ne parler que d'argent, l'angoisse d'être engoncé dans des habits conceptuels toujours plus étroits, la crainte existentielle de constater que des hommes politiques frénétiques, suffisants d'autosatisfaction, ne sachent plus gouverner la planète, tout cela change la donne.