Onze mille quatre cent trente-cinq ! C'est écrit en gros sur fond noir, des vieux pour la plupart, dont M. Mattei a le cynisme de dire qu'ils ne constituent qu'une avance sur recettes, que le solde de fin d'année sera finalement nul : ils n'ont fait que devancer l'appel, en quelque sorte. Les vieux finissent toujours par mourir ! Dixit Tonton Georges.
Parmi ces 11 435 solitaires, quelques-uns de moins de 60 ans et, parmi eux, ma mère, dont je n'aurais pas assuré la survie, mauvais fils que je suis ! Mauvais Français ! C'est Raff' qui le dit, donc... Pourtant, nous en avons fait des efforts, ma soeur et moi. Je n'ose vous conter cette histoire, tant cela me met en colère. Vous croyez que je peux ? Allez, je me lance !
Depuis presque trente ans, ma mère luttait contre la sclérose en plaques. Quiconque connaît cette maladie sait que la lutte est perdue d'avance. Chaque attaque (on dit poussée) correspond à une faculté qui disparaît à jamais. Tant et si bien que ces cinq dernières années, alitée, ma mère était également grabataire, aveugle, muette, etc. Sous morphine, il lui poussait des tubes de partout et une équipe soignante dont je salue le travail la maintenait chez elle. On appelle ça une hospitalisation à domicile, à laquelle tenait mon père : par respect, par amour et par solidarité, il avait lié sa vie à la sienne. Il avait tout mis en place et tenté de tout prévoir sauf le cancer qui le fit mourir avant elle.
Que faire ? Quelle est la place d'une grande moribonde dans n