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Libération

Le théorème du réel-vrai

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publié le 11 septembre 2003 à 0h55

Décidément, cette rentrée est violente. Même la rentrée littéraire est violente. Cette évidence nous aura pour ainsi dire sauté aux yeux, dans ces pages même, à la lecture du portrait d'une jeune femme et à propos d'un livre qu'elle signa. Au détour d'une colonne, ce témoignage de son éditrice : «Sa voix et son écriture sont une seule et même chose. C'est une fille qui ne triche pas» ; du livre qui le suscita ni de son auteur (1) il ne sera ici question ­ il et elle n'y sont évidemment pour rien ­, mais seulement de ce propos éclatant. Tel qu'il s'énonce, il porte en lui une charge vertigineuse, en quoi nombre de vieux croûtons obsolètes et élitistes trouveront matière formelle à redondants scrogneugneux. On ne contestera cependant pas ici qu'un verbe, un sujet et un complément puissent constituer une phrase, même littéraire et même sans complément. Plus troublante est la promotion de la parité parler-écrire, formulée de telle sorte que le parler y semble imposer sa primauté. Les tenants de cette conception de la littérature, qui n'en est rien moins que la négation, nous font un peu songer à certaine forme d'hygiéno-gauchisme prônant la pratique sportive contre la compétition, sans lesquelles le sport se réduit à un aimable exercice d'entretien corporel. Ainsi de la littérature, qu'on ne saurait réduire à l'usage pragmatique des mots. Plus effarant encore que ce pragmatisme, arrive son allié jumeau, le moralisme, qui ponctue le propos et la démonstration : dans le définitif