A 16 ans, Maria, collégienne albanaise, n'avait jamais entendu le mot «prostitution». Mais elle tombe amoureuse d'un homme qui lui promet la lune et fuit, un beau matin, avec lui en Grèce. Deux ans de prostitution forcée entrecoupée de tabassages avec une corde mouillée lorsqu'elle résiste. Suivent trois ans de tapin en Italie où elle doit rapporter 500 euros, chaque nuit, à son proxénète, qui fait travailler trois autres filles. Aujourd'hui, à 24 ans, Maria vit cachée, craignant les représailles de son mac qu'elle a fui. «Je le tuerais bien», dit-elle en évoquant sa vie saccagée.
Plus qu'une plongée dans l'univers sinistre de la prostitution des «filles de l'Est», la journaliste belge Hermine Bokhorst propose une enquête fouillée sur le trafic des femmes albanaises qui fait prospérer l'une des mafias les plus redoutées au monde. D'après les ONG, quelque 30 000 Albanaises se prostituent à l'étranger. Beaucoup sont tombées dans les mailles du filet par naïveté. D'autres ont été enlevées, certaines vendues par leurs parents. Un jour, un policier belge a retrouvé une victime punie, enfermée dans un placard gardé par des pitbulls. Lorsqu'elles parviennent à s'échapper, souvent leurs familles les rejettent, par honte.
Le livre est un patient démontage du phénomène de la traite des femmes. Des jeunes filles abusées aux enquêteurs belges, centres d'accueil d'Anvers ou ONG d'Albanie, les témoignages permettent de reconstituer les principales étapes du trafic. L'auteur reste à distance