Attachés à leurs fauteuils, les professionnels de la politique de droite et de gauche ont inventé un spectre à la mesure de leur impuissance conjuguée face à la «loi du marché» et à la crise de la représentation politique : une «extrême gauche» archaïque menaçant la démocratie. «Extrême gauche» (ignominieusement) comparée à l'«extrême droite», «trotskisme» manipulateur ou «néogauchisme», enfermée dans la protestation : demi-habiles du microcosme politicien et médias en quête de couvertures chocs se disputent la palme de la formule simpliste.
Lionel Jospin (dans Libération du 13 octobre), ex-général d'une armée en déroute, en rajoute une louche. L'«extrême gauche» serait prisonnière d'une piètre alternative : le refus «gauchiste» de l'exercice du pouvoir ou le «totalitarisme». L'Aigle du 21 avril n'a guère trouvé les chemins de l'humilité et de l'examen autocritique. Et, comme beaucoup de commentateurs, il passe à côté des révolutions culturelles qui sont en train de travailler la vieille extrême gauche (dont il fit partie) et qui pourraient voir naître une nouvelle gauche radicale (dont il ne comprend pas grand-chose, tout à ses schémas surannés). Car la galaxie altermondialiste émergente, au carrefour de l'ancien mouvement ouvrier et des nouveaux mouvements sociaux (associations citoyennes, écologistes, féministes, «sans», contestations artistiques, etc.), dans le choc des bouleversements individualistes de nos sociétés, pourrait devenir le creuset d'une dynamique d'émancipa