Benny Lévy et moi étions des interlocuteurs. Les conversations que nous avions, longues et fréquentes depuis une quinzaine d'années, je les tenais pour des moments d'incomparable liberté. Toujours disjointes, nos lignes de propos en venaient toujours à s'impliquer réciproquement. Il arrivait que je lui apprenne quelque chose ; j'entends quelque chose qui lui paraissait exorbitant au regard de ce qu'il savait ou pensait l'instant d'avant. Or, ce quelque chose n'était pas moins exorbitant à ce que je savais ou pensais moi-même. En retour, il arrivait qu'il m'apprenne quelque chose que je jugeais exorbitant ; d'emblée, il soulignait que ce quelque chose ne comptait que par ce qui était exorbitant à sa propre personne et qu'il appelait l'étude. Je lui apprenais ce que je ne savais pas, il m'apprenait ce qu'un autre que lui savait en lui. Liberté de parler de tout, liberté de penser, liberté de savoir, les Lumières s'en étaient réclamées et je m'étais longtemps réclamé d'elles. Benny Lévy y était arrivé par une voie tout autre. Car il n'avait pas toujours été ainsi. On peut à bon droit souligner les continuités, ce qu'il y a de commun entre l'intensité de l'engagement révolutionnaire et l'intensité de l'engagement dans l'étude de la Torah. Une telle intensité, un tel sérieux, c'est tellement autre chose que la bienséance distanciée, la narquoiserie dont se pique l'intellectuel moyen. Toujours laisser entendre que ce qu'on dit ou fait est au-dessous de vous. Chez Benny Lévy, qu'il
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Benny Lévy faisait jaillir des lumières.
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par Jean-Claude Milner
publié le 17 octobre 2003 à 1h25
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