Ceux qui ont le goût des excentricités juridiques se souviendront de l'actuel ministre de la Santé, Jean-François Mattei, non comme de l'un des principaux acteurs ou plutôt non-acteurs de l'épisode caniculaire de l'été dernier, mais comme l'inventeur d'une catégorie criminelle baroque : le «crime contre l'espèce humaine». Ecrire des romans tels que sa Sonate pour un clone (1) ne suffisait sans doute pas à garantir la société française des menaces du clonage. Le ministre a donc transporté son imagination dans le droit lui-même, et proposé, par un amendement au projet de révision des lois bioéthiques, que ceux qui s'y aventurent soient punis de trente ans de prison. Si tout suit son cours, faire naître une personne par clonage sera bientôt plus fortement puni que de la tuer de n'importe quelle manière.
Pourtant, à la différence des autres catégories pénales, ce qu'elle cherche à protéger n'est pas très clair. Le meurtre protège la vie des personnes, le vol, leur propriété... Le nouveau crime protégerait-il leur appartenance à l'espèce humaine ? Mais serait-on prêt dès lors à refuser à un individu né par clonage le statut d'être humain ? Espérons que non. En réalité, si on lit attentivement le projet, on se rendra compte qu'il ne cherche pas à protéger les individus d'un mal qui leur serait fait, mais une entité collective qui serait définie par la reproduction sexuelle. Une autre manière d'aborder le problème aurait été de se demander si le clonage est une technique dangere