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Libération

Mauvais profil

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publié le 6 novembre 2003 à 1h44

D'abord, une apparence : place de la République vaste et grise, celle d'une silhouette mobile et déterminée, à grands pas vifs que rythment les ailes d'un imperméable beige scandant son allure ferme. De loin, l'homme (c'est un homme), grand, est surtout remarquable par cette allure qui identifie souvent un pouvoir. C'est un homme pressé. Dans la presse, dans la foule des trottoirs à l'heure où la pause déjeuner les recouvre, il ne se perd pas ni ne se perd de vue. Toujours sur la place de la République vaste et grise, on le retrouve. Il était là-bas, vers le kiosque de l'Holiday Inn, il traverse Voltaire maintenant, et le voici qui arrive vers le Temple, où nous sommes. A l'aplomb des bandes blanches qui protègent son passage, le feu est vert et ne le ralentit pas. Un taxi freine à peine, le frôle presque, et c'est comme si l'homme ne l'avait pas vu. En saisissant son profil droit, on comprend mieux. Ses bras sont ballants mais ses lèvres remuent, il parle. Il doit parler dans un mini-micro arrimé au fil d'une oreillette pour téléphone portable, qui doit courir, le fil, sur sa joue gauche ; normal que, d'ici, on ne le voie pas, mais ça ne saurait tarder car l'homme, pivotant à droite, va dans quelques secondes nous dévoiler son profil opposé. Et le voilà qui passe, là, tout près. Et voici son profil gauche. Il est tout rouge. A la tempe, à la pommette et à l'arcade sourcilleuse fleurissent des plaies encore faiblement saignantes et déclinant diverses nuances de rose, à l'exc