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Libération

Rafles

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publié le 10 novembre 2003 à 1h49

Dans la purée de glose déjà épaisse de «l'antisémitisme», le grumeau d'une plainte du ministre de la matraque contre les rappers du groupe Sniper a perverti un peu plus le sens du mot. Ce jour-là, afin de se laver la tête, on s'est rendu dans la petite salle du Lavoir moderne parisien (1) où se restitue la mémoire de la rafle du 16 juillet 1942, telle qu'en écrivit l'historien Maurice Rajsfus, son exégète obstiné qui y perdit père et mère (2). La rafle dite «du Vel' d'Hiv'» imprègne ses livres dont le comédien Philippe Ogouz ­ accompagné yiddish de l'accordéoniste Marian Courcel et traqué par l'éclairage de Frédéric de Rougemont ­ monologue des extraits (3). Les murs du fond de scène annoncent le béton de Drancy, et la ronde violemment lumineuse des ampoules, au bout de fils électriques comme des pendus à leurs cordes, y projette en ombres crues une éclatante métaphore de génocide. La précision du texte fait là une efficace piqûre de rappel ; à sa représentation, les yeux se mouillent avec une émotion qui rassure la conscience : quand c'est fini, on sait que rien n'est jamais fini. Même au sortir du théâtre, on s'y retrouve, puisque le Lavoir moderne gîte au coeur de ce quartier pourri de misère immigrée que bordent la Goutte d'Or et Barbès, Ordener et La Chapelle, et que sillonnent furieusement, dans les stridences de leurs sirènes, les brigades de l'Intérieur. A cette heure de la nuit, on n'y fait pas cent mètres sans assister à un contrôle policier. Le gibier est noir. Le