Ceux qui luttent contre les discriminations n'ont pas encore mis dans leur agenda la légalisation de l'euthanasie. Pourtant, il n'est pas absurde de penser que l'absence d'une telle loi constitue une forme de discrimination entre les personnes qui peuvent se tuer toutes seules et celles qui ont besoin pour le faire d'assistance, une main se substituant à leur propre main impuissante. Si on n'y a pas pensé, c'est parce que le suicide lui-même a un statut trop particulier. Nous n'avons aucun «droit» de nous suicider ; on se limite juste à «tolérer» un acte incompréhensible. Ainsi, si quelqu'un nous empêche de nous suicider, nous ne saurions lui demander des dommages-intérêts pour nous avoir «sauvés» contre notre gré. Mieux, le seul fait d'assister quelqu'un qui a pris la décision de se suicider est puni. Ce statut du suicide a des racines anciennes, mais n'a rien d'évident. Entre le XIIIe et le XVIIIe siècles, le «meurtre de soi-même» était considéré comme un crime de lèse-majesté divine et humaine, les cadavres des suicidés étaient jugés, leurs dépouilles déchirées, traînées par la ville, leurs biens confisqués, pour exemple. Ce crime a été aboli pendant la Révolution mais il l'a été moins pour le respect de la décision des personnes que comme conséquence des mesures générales qui ont décrété que les délits et les crimes étaient personnels, qu'ils ne pouvaient pas flétrir les familles, la confiscation des biens des condamnés ne pouvant être prononcée en aucun cas. L'idée selo
Contraints à vivre, interdits de mort.
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par Marcela Iacub
publié le 18 novembre 2003 à 1h56
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