Le beaujolais arrive ! Il est difficile de l'ignorer, tant la bruyante caravane de ses promoteurs médias, grandes surfaces et restaurateurs l'annonce depuis quelques jours urbi et orbi. La chose n'est pas un scoop, certes, mais un événement, sans nul doute. Ce «troisième jeudi de novembre», date officielle du «déblocage», les cafés vont se remplir, alors que les bouteilles et les verres se videront jusqu'au bout de la nuit. La joyeuse parenthèse rabelaisienne à laquelle donne lieu le beaujolais en dit long en fait sur les aspirations du corps social à la célébration et à la communion n'y est-il pas question de vin, encore ? Et sur son autel, l'élixir «di-vin», tord-boyaux en diable, réunira pour quelques heures, bras dessus bras dessous, France du haut et France du bas. Marie-Antoinette allait jouer à la fermière au petit Trianon. Grâce au «beaujolais nouveau», les «bobos» s'encanaillent à vil prix, pour s'initier le temps d'une «soirée populo» à la convivialité verticale des comptoirs. En fait, tout le monde touche au beaujolais, car le beaujolais touche tout le monde, procédant à un gigantesque brassage socioculturel.
La greffe festive du «beaujolais nouveau» a réussi là où bien d'autres «vins de soif» ont échoué à créer l'événement. Et il y a quelques décennies maintenant que le «grand barnum de Bacchus» enfièvre la France et «lui la joue», roublard, entre accordéon et saucisson. Le succès planétaire de la sortie (presque) simultanée du beaujolais tient à des règles