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Libération
TRIBUNE

La Tunisie, Chirac s'en fout.

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Les défenseurs des droits de l'homme n'attendent rien de la visite du président français, demain, chez Ben Ali.
par Taoufik Ben Brik
publié le 2 décembre 2003 à 2h09
(mis à jour le 2 décembre 2003 à 2h09)

Qui dans le monde pour s'intéresser encore à cette petite Tunisie de la routine ? Dictature en Tunisie, une police politique vigilante, les médias bâillonnés, la justice aux ordres, les syndicats mis au pas, un Président à vie. Tout ça, Chirac s'en fout. Il a décidé de regarder ailleurs, et donc la France, et donc le reste de l'Occident, et donc les grands médias et donc, c'est le monde entier qui regarde ailleurs.

On vous a prévenu depuis Paris : «C'était bon au début, la Tunisie. Maintenant, tout le monde s'en fout. Il y a Ramallah, Kaboul, Bagdad...» Et ici à Tunis on se répète : «A quoi ça sert de vous raconter nos malheurs, ça ne change rien, des dizaines de journalistes sont déjà venus, ça n'a rien changé, l'Occident soutient Ben Ali, Chirac soutient Ben Ali, le FMI a augmenté les crédits pour Ben Ali. La France a classé les bavures de Ben Ali "affaire intérieure tunisienne".»

Alors qu'est-ce qu'il vient foutre ici, Chirac ? A entendre la détresse des familles des prisonniers politiques, les sanglots d'un rescapé des tortures des geôles du ministère de l'Intérieur, le délire d'un gréviste de la faim qui ne revendique rien... A quoi bon cavaler entre les deux rives de la Méditerranée pour entendre ça ? A chaque tour de roue, les vieilles questions reviennent. Un remake fétide. «Ce soir au palais de Carthage, je fais la java», dira Chirac. Une décennie à se payer de mots. Mais les mots ne paient plus. D'avoir perdu le combat, on a perdu le sens des mots. On s'était inventé