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Libération

Orwell calomnié

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publié le 4 décembre 2003 à 2h11

Même les morts, la rumeur, qui consume leur mémoire, les tue. De rumeur, cette colonne en relaya une, qui calomnia feu George Orwell ­ l'auteur de 1984. C'était en octobre, à l'occasion de la disparition d'Elia Kazan. Dans un raccourci imbécile ­ de ceux qui accouplent les essences du stalinisme et du nazisme sous le vocable de «totalitarismes» ­, on avait rapproché l'attitude du cinéaste américain alimentant les chasses aux sorcières de McCarthy, en 1952, de la supposée dénonciation par l'écrivain britannique de «compagnons de route» du Parti communiste, en 1949. Des lecteurs s'en irritèrent. Ils citent Jean-Claude Michéa, philosophe et exégète d'Orwell (1), ainsi qu'un bref ouvrage collectif intitulé George Orwell devant ses calomniateurs ­ Quelques observations (2) qu'on aurait dû lire plus tôt : il y est sèchement établi qu'Orwell n'a jamais «donné» personne au Foreign Office (alors sous gouvernement travailliste), mais a seulement prévenu ses services, via une amie et sous le sceau du secret, de la duplicité de personnalités pouvant être sollicitées dans la propagande anti-stalinienne. Les arguments avancés sont plus que probants, et font bientôt s'interroger sur la pérennité d'un «canard» né en juillet 1996 dans le Guardian, ressurgi cet été à l'occasion du centenaire d'Orwell, et auquel on s'en veut de n'avoir pas tordu le cou. Comme l'écrit Michéa, «il suffisait à n'importe qui d'un minimum d'esprit critique, sans parler de la simple connaissance des faits, pour fair