Une bénédiction, ces inondations... Pour le gouvernement, toutes ces eaux dégringolées du ciel où les dieux n'ont plus soif, ça tomba plutôt bien, non ? A tout le moins, ça occupa. Ça fit des vingt minutes en ouverture des JT largement de quoi rassasier la conversation au zinc, et noyer le poisson ; ça décoiffa Bachelot sur l'aéroport de Marseille en lui redonnant l'illusion d'être encore ministre ; ça dérouta Chirac, au prétexte d'un petit bain de houle rhônalpine, sur le chemin de ses humiliations tunisiennes ; ça dilua le désaccord stratégique de Francis Mer quant à la nécessité de sauver le milliardaire Pinault d'un naufrage judiciaire dans l'affaire Executive Life ; ça engloutit pêle-mêle les redondantes menteries de Mattei soudain hors de saison, le débat sur l'école du fantomatique Ferry, et les sondages où sombre Raffarin. Même le pervers Perben y trouva l'occasion d'y baigner la plaie faite au flanc de sa loi sur la grande criminalité par la contestation du délit d'interruption involontaire de grossesse : harcelé de partout, le ministre de la Justice ne s'était pas encore résigné à renoncer à cet amendement Garraud, à la rédaction duquel ses services prêtèrent pourtant la plume. La crue du Rhône allait fournir à sa reculade une journée de répit, et un petit rôle dans la mise en scène irréelle de l'évacuation de la centrale d'Arles : entre gendarmes cagoulés et taulards enchaînés à bord d'un canot pneumatique armé d'une mitrailleuse, le garde des Sceaux, les pieds
Que d'eau, que d'os...
Article réservé aux abonnés
par Pierre Marcelle
publié le 8 décembre 2003 à 2h14
Dans la même rubrique
TRIBUNE