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Libération

L'esprit de la loi

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publié le 15 décembre 2003 à 2h20

Aujourd'hui, Dutronc chante ça : «Avez-vous quelque chose contre la misère ?/ Pour la misère, on n'a que des cache-misère/ Vous vous êtes trompé de boutique/ Ici c'est pas la République». On aurait bien pu le constater plus tôt, au début ou au milieu du siècle dernier, quand la France (Liberté-Egalité-Fraternité en frontispice et droits de l'homme à tous les étages) invitait l'Africain, du Centre au Nord colonisés, à verser son sang dans ses tranchées et sa sueur dans ses usines. Sans jamais cesser de l'ostraciser dans toutes les sortes de discriminations ­ au logement, à l'emploi, au faciès... Près d'un siècle après ceci, un demi-siècle après cela, il convient donc de redire à Sarkozy que ce n'est pas «musulman» qui «est inscrit sur la figure» de l'immigré ou de ses enfants, mais bien «bougnoule» ; et à Fillon qu'il y a, entre «assimilation» (comme il dit) et «intégration», un fossé plus profond que la Méditerranée ; plus large aussi que celui qu'évoquait Pierre Bourdieu en 1989, lors des premières apparitions de tissus dérangeants, entre «question patente ­ faut-il ou non accepter à l'école le port du voile dit islamique ? ­ (et) question latente ­ faut-il ou non accepter en France les immigrés d'origine nord-africaine ?» (1). A ces questions, «l'inavouable réponse» devrait donc prendre la forme d'une loi... Impuissante à les intégrer dans la cité, la République a enfermé des centaines de milliers de citoyens dans le ghetto de leur identité «culturelle», dit-elle, afin de