Menu
Libération

Messe et soupe élyséennes

Article réservé aux abonnés
publié le 19 décembre 2003 à 2h24

Des ministres et des députés, des collégiens et des syndicalistes, des monseigneurs ensoutanés, des civils auréolés, la kippa ostensible de M. Sitruk (rabbin) flirtant avec la calvitie zidanienne de M. Boubakeur (recteur), et des signataires de «l'appel de Elle» (Mmes Line Renaud, Yamina Benguigi et Sonia Rykiel). Sur ce parterre cathédrale de travées pimpantes comme à Te Deum, le cristal des lustres et les ors des lambris. Des regards mouillés, attrapés en plans moyens par des caméras protocolaires, convergent vers l'impérial bonimenteur dont la sonore emphase envahit bientôt tout l'espace. Par lui, avec lui et en lui, c'est la «France éternelle» qui retentit, qui enfle, qui gronde et qui s'exalte dans les chromos de son histoire sublimée. Tout y passe : «Notre peuple, notre nation, notre République (...). Ses valeurs, depuis les origines de la monarchie jusqu'aux tragédies du siècle dernier.» L'édit de Nantes. La séparation des Eglises et de l'Etat. 1789 et les droits de l'homme, 1946 et les droits du citoyen. Le suffrage universel. L'abolition des privilèges. L'abolition de l'esclavage. L'innocence de Dreyfus. L'éducation gratuite et obligatoire. La Sécu, dans la «vieille terre de chrétienté, de l'Ile-de-France aux duchés de Bretagne, d'Aquitaine ou de Bourgogne, de l'Alsace et la Lorraine au comté de Nice, à la Caraïbe ou au Pacifique Sud». L'immigration. Les Italiens ; les Polonais ; les Espagnols ; les Arméniens ; les Asiatiques. Le Maghreb et l'Afrique noire. Et la tr