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Libération
TRIBUNE

Pornographie de la guerre

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publié le 19 mai 2004 à 0h41

World Trade Center : l'électrochoc de la puissance, l'humiliation infligée à la puissance, mais de l'extérieur. Avec les images des prisons de Bagdad, c'est pire, c'est l'humiliation, tout aussi meurtrière symboliquement, que s'inflige la puissance mondiale à elle-même ­ les Américains en l'occurrence ­, l'électrochoc de la honte et de la mauvaise conscience. C'est en quoi les deux événements sont liés.

Devant les deux, une réaction violente dans le monde entier : dans le premier cas, un sentiment de prodige, dans le second, un sentiment d'abjection.

Pour le 11 septembre, les images exaltantes d'un événement majeur, dans l'autre les images avilissantes de quelque chose qui est le contraire d'un événement, un non-événement d'une banalité obscène, la dégradation, atroce mais banale, non seulement des victimes, mais des scénaristes amateurs de cette parodie de violence. Car le pire est encore qu'il s'agit là d'une parodie de violence, d'une parodie de la guerre elle-même, la pornographie devenant la forme ultime de l'abjection d'une guerre impuissante à être simplement la guerre, à simplement tuer, et qui s'exténue dans un reality-show ubuesque et infantile, dans un simulacre désespéré de la puissance.

Ces scènes sont l'illustration d'une puissance qui, parvenue à son point extrême, ne sait plus quoi faire d'elle-même ­ d'un pouvoir désormais sans objet, sans finalité, puisque sans ennemi plausible, et dans l'impunité totale. Elle ne peut plus qu'infliger une humiliation gratuite,