Les sages qui gouvernent l'Europe ne se reconnaissent plus, même de loin, dans la démocratie de Périclès. Une parole attribuée par Thucydide au célèbre stratège athénien avait été placée en tête du projet de traités constitutionnels européens. Des esprits forts ont convaincu la quasi-totalité des ministres de l'Union réunis à Luxembourg qu'il fallait retirer cette référence douteuse.
Quel était donc le contenu de cette parole si hardie ? «Notre régime est une démocratie parce que le pouvoir y appartient au plus grand nombre et non à une minorité.» Rien de plus que le début de l'alphabet démocratique, tel qu'il fut dans l'histoire de l'humanité, il y a deux mille cinq cents ans : la démocratie, étymologiquement pouvoir (cratos) du peuple (demos), est la forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir est exercé par le plus grand nombre, par la totalité des citoyens.
Saine réaction de nos ministres, bien entendu. L'Union européenne ne montre en effet ni demos ni cratos, ni pouvoir ni peuple. Son fonctionnement est oligarchique, bureaucratique. Sa légitimité est confédérale et juridique. Tout le contraire de l'étonnante démocratie athénienne, qui avait ses qualités et ses défauts, mais représentait indéniablement un effort historique sans précédent dans l'exercice du pouvoir confié au peuple. Aujourd'hui, malgré les innombrables différences de forme et de contexte, seule la Suisse peut-être, avec ses nombreuses votations sur le contenu substantiel des décisions politiques, présent