Quand on regarde le premier débat télévisé entre Kerry et Bush aux Etats-Unis, et au-delà de l'aspect purement «sportif» de l'événement trente secondes par ci, quatre-vingt-dix secondes par là, un arbitre omniscient, deux adversaires qui veulent être fair play, jusqu'à distordre entièrement la logique de leur propos , on ne peut qu'être frappé par la méconnaissance du monde qui caractérise la classe politique américaine, et par l'impuissance du citoyen américain de base lorsqu'il s'agit d'envoyer à ses dirigeants un quelconque message quant à leur politique internationale. Ce qui est frappant, pour commencer, c'est le consensus des deux adversaires : les Etats-Unis «dirigent le monde», et la question est, au mieux, d'améliorer cette sagace autorité. Que pas un seul objet en vente aux Etats-Unis de nos jours, de la cafetière jusqu'au motoculteur, ne soit made in China et estampillé comme tel, ne semble avoir aucune conséquence sur cette inébranlable conviction. De quelle autorité est-il question, alors ? Dans les dix premières minutes de ce débat qui n'en était pas un, chacun des candidats a confondu le nom d'Oussama ben Laden et celui de Saddam Hussein. En s'excusant du lapsus, qui plus est.
Cette bourde ne révèle pas seulement l'ignorance crasse de deux individus qui prétendent régenter la plus grande puissance au monde : elle révèle combien, plus que jamais, plus encore qu'au temps des guerres napoléoniennes ou des reinos de Taifa (roitelets d'Espagne), nous sommes soumi