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Libération
TRIBUNE

Jean Paul II, un homme aussi

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publié le 7 avril 2005 à 1h35

A Varsovie, où je suis né, lorsque l'Eglise organisait une procession en l'honneur d'un saint ou d'un autre, les cloches se mettaient à sonner et les juifs se terraient. Avant la guerre, en Pologne, les juifs représentaient onze pour cent de la population, soit trois millions cinq cent mille personnes réparties à travers le pays, dans les villes et les villages. Ils vivaient constamment sous la menace de l'une des églises la plus antisémite du monde. Or, c'est un pape polonais précisément qui s'est donné pour tâche de ramener les Evangiles à leurs sources et les chrétiens auprès de leurs «frères aînés».

J'ai rencontré Jean Paul II en 1985. Son secrétaire personnel et confident, Stanislaw Dziwisz, polonais comme lui, nous a présentés. «Bonjour, mon cher compatriote», s'est-il écrié en polonais, en m'accueillant. «Bonjour, Saint-Père», lui ai-je répondu en polonais. «Alors, nous sommes de Varsovie ?», dit-il. «Non, dis-je, nous sommes du ghetto de Varsovie.» Alors, il s'approcha de moi, visiblement ému, et me prit dans ses bras.

Nous nous sommes revus à plusieurs reprises. Il a participé à mon film les Justes. A l'occasion d'un repas, grâce à sa cuisinière polonaise, j'ai retrouvé le goût de la cuisine de ma mère. J'ai aussi découvert à quel point la condition juive nourrissait sa réflexion. Jean Paul II a connu la Shoah de près. La seule fille qu'il eût jamais aimée était juive. Elle fut déportée le jour même où il perdit son père. Cette double disparition a marqué sa vie, ses