Tant de salive dépensée en pure perte ! Rien ne sert, ni les experts, ni les éditorialistes, ni les stars branchées, ni les écrivains plus ou moins dorés sur tranches, moi compris, qui communions dans le oui. Le non s'obstine. Peu importe que les ténors de la majorité et de l'opposition partagent la même tribune ou fassent lit séparé. Le non domine encore. La clé d'un tel paradoxe tient au narcissisme franco-français trop souvent partagé par les «pour» comme par les «contre».
Narcissisme intellectuel d'abord. Celui des conventionnels qui, sous la houlette de Valéry Giscard d'Estaing, peaufinent une Constitution «fille de la pensée française» (Chirac dixit). Ils passèrent près de trois ans à négocier un modus vivendi en centaines d'articles qu'ils estiment désormais clairs et distincts pour un électeur de base étranger aux arcanes du droit institutionnel, de la diplomatie et de cinquante années de traités.
Les Espagnols ont approuvé le texte à une écrasante majorité, en avouant pourtant que seuls 10 % d'entre eux avaient tenté sa lecture. Les quatre-vingts jeunes réunis autour du président Chirac se sont soigneusement abstenus d'y fourrer leur nez. Métro-boulot-dodo : quelle honnêteté y a-t-il à exiger d'une ménagère ou d'un professeur de philosophie, de l'artiste peintre ou du métallo de Peugeot l'élucidation d'un consensus savant qui fut si long et difficile à établir ? Nous élisons des représentants, nous payons des députés, pour qu'ils aient le loisir, et si possible la cap