Après la Côte-d'Ivoire, le Togo. Et demain, peut-être, le Gabon, le Cameroun, voire le Sénégal ? Les temps sont durs pour la France en Afrique. L'ancien «pré carré» part en lambeaux. En novembre 2004, à Abidjan, des soldats français ont tiré sur des civils. Ces images, qui ont fait le tour du monde, marquent-elles un tournant dans les relations longtemps privilégiées que Paris a entretenues avec ses anciennes colonies ? Pour Stephen Smith et Antoine Glaser, ces affrontements ne sont en réalité que «le dernier clou sur le cercueil» de ce que Félix Houphouët-Boigny avait baptisé, dans les années 70, la «Françafrique».
L'acte de décès a été signé en 1994, lorsque le gouvernement d'Edouard Balladur a dévalué de moitié le franc CFA, quelques mois seulement avant le génocide au Rwanda, dans lequel Paris allait être accusé de complicité. Dans leur ouvrage, une synthèse claire et documentée sur les turpitudes de la Françafrique, ces deux spécialistes des réseaux franco-africains évitent tout manichéisme, insistant sur la singularité d'un ensemble fusionnel, édifié au sortir de la Seconde Guerre mondiale par Jacques Foccart et quelques autres résistants, qui ne se réduit pas aux barbouzeries, ni aux valises de billets. A Paris comme dans les capitales du «pré carré», chacun y trouvait son compte, du moins du côté des dirigeants. La France, qui a joué les gendarmes durant la guerre froide, subventionnait des régimes peu reluisants ; ce qui lui permettait, en retour, d'être plus grande