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Libération
TRIBUNE

Guantanamo, à chacun sa vérité

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publié le 5 juillet 2005 à 2h52

Qu'est-ce qu'un «fait» ? A une époque marquée par des controverses acharnées sur la réalité, ce terme même, ainsi que son parent proche, la «vérité», sont quotidiennement pris d'assaut.

«Laissons les faits parler d'eux-mêmes», se plaisent à répéter les historiens, les politiciens et les chroniqueurs. Mais les faits ne parlent pas ­ ils ont besoin d'être exprimés, et décryptés. Dès lors, conformément au principe d'incertitude cher à Werner Heisenberg (1), ce qui est observé varie en fonction de l'identité de l'observateur. Les faits sont donc mouvants, suivant qui les interprète.

Dans les guerres, comme le disait Eschyle il y a 2500 ans, la vérité est toujours la première des victimes. Dans un contexte de conflit exacerbé, les faits tangibles, les vérités objectives, difficiles à définir, sont plus insaisissables encore. La «guerre contre la terreur» est sans doute un conflit d'un type nouveau, mais sur ce plan rien n'a changé : la vérité est encerclée, et est chaque jour la cible de tirs croisés qui lui infligent des blessures pouvant se révéler fatales.

Exemple : l'affaire Gitmo (2). Fin mai, un rapport d'Amnesty International désignant le camp d'internement de Guantanamo Bay comme «le goulag de notre époque» a provoqué l'indignation de l'administration Bush. Résultat : Amnesty n'a pas tardé à faire machine arrière. Le chroniqueur conservateur Charles Krauthammer a pourfendu ces allégations en défendant le «traitement remarquablement humain et tolérant réservé aux détenus de G