La Méditerranée demeure vaille que vaille un lieu de rencontres et de passages, de conflits et d'échanges, mais elle donne de plus en plus l'impression d'être le parent pauvre de l'Europe (1). Tout l'actif et le passif des relations d'inégalité, de domination et d'opposition entre le Sud et le Nord y est en quelque sorte concentré. Zone de fractures politique, commerciale, culturelle, économique, sociale, démographique non seulement entre pays riverains du Sud et du Nord, mais plus profondément encore au sein d'un Sud dont la profondeur géopolitique s'étend désormais à l'Afrique subsaharienne, s'élargit à l'est vers la Turquie et subit le défi de l'Asie de l'Ouest. De toutes ces régions, la Méditerranée reçoit des impulsions humaines, des demandes de migration, des poussées de réfugiés. Et, au Nord, en écho à cet élargissement du jeu des migrations, l'espace d'accueil s'étend désormais à de nouveaux pays : Espagne, Italie, Portugal, Grèce.
Face à ce défi, l'Europe s'est réfugiée ces vingt-cinq dernières années dans une attitude de dénégation et de refus qui ne peut s'expliquer que par l'absence de projet stratégique d'ensemble pour son flanc Sud. La construction européenne a constitué un véritable tournant historique. Elle s'est faite en direction du nord de l'Europe, puis vers le Sud européen, enfin vers le grand Est (l'élargissement aux Peco, pays d'Europe centrale et orientale), mais dans l'oubli, pour ne pas dire au détriment, des pays du sud de la Méditerranée. La fr