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Libération
TRIBUNE

Au feu les télés !

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par Stéphane GOUDET
publié le 9 décembre 2005 à 4h53

S'il est un enjeu derrière les récents actes de violence de banlieue, sans doute est-il à chercher dans le désir d'accéder à la visibilité. «Je suis filmé donc je suis» semblent penser les fauteurs de troubles. En cela il y a continuité entre les casseurs et certaines des victimes des violences qui habitent leur quartier. Car, à l'exclusion par le logement, par le travail, par les contrôles d'identité incessants ou le filtrage au faciès à l'entrée des boîtes de nuit, s'ajoute une exclusion du champ de l'image, cinématographique ou télévisuelle, où sont objectivement sous-représentés les jeunes Français de banlieue, nés de parents immigrés du continent africain. Alors on casse aussi pour entrer dans l'image, comme si les incendies n'étaient que la continuation de ce jeu répandu qui consiste à essayer d'apparaître dans le champ de la télévision, de préférence dans le dos du journaliste intervenant en direct, pour saluer parents et amis. Pour prouver son existence, on serait passé du signe cordial au signal de fumée, indice de destruction. Dangereux glissement.

Mais une question est occultée, probablement parce qu'en France, on peut tout remettre en cause sauf le fonctionnement des médias : n'est-ce pas précisément ce que leur demande implicitement la télévision ? Des images accrocheuses, à l'hollywoodienne, où des ombres furtives s'improvisent incendiaires et construisent la fiction d'une France en guerre civile ? Nul besoin de s'étendre sur les bénéficiaires de cette stratégie